Nous avons tous été témoins dans les dernières années d’une montée assez importante de la notion de programme dans les plans d’investissements des organisations. En tant que consultant, j’ai eu la chance de participer à la réalisation de quelques programmes, particulièrement dans le domaine de l’accompagnement en gestion des risques et des bénéfices.
À chacune de mes implications, j’ai été étonné de constater que, sans aucune exception, la gestion de projet prime sur la gestion de programme et ce, malgré la pertinence et la nécessité de cette dernière. Le rôle de chef de programme est remplacé sans hésitation par un rôle générique de chargé de projet et les activités de gouvernance, de définition, de déploiement et de clôture du programme sont bel et bien remplacées par des activités qui se rapprochent étrangement des activités traditionnelles : démarrage, planification, exécution, surveillance et clôture de projet. Et nous n’avons même pas encore parlé des bénéfices!
Partons de la définition donnée par Project Management Institute (PMI) et tirée de sa quatrième édition du standard de management de programme : Un Programme désigne un ensemble de projets, sous-programmes et activités de programme dont le management est harmonisé pour obtenir des bénéfices difficilement réalisables en les traitant isolément. Si l’on compare cette définition avec celle d’un projet qui de son côté se défini comme une initiative temporaire entreprise dans le but de fournir un produit, un service ou un résultat unique, force est de constater que nous ne sommes plus sur le même niveau ni en termes de gestion ni en termes de résultat. Tandis que la gestion de projet encadre la réalisation des activités pour l’obtention du résultat visé, la gestion de programme permet une adaptation dynamique des plans d’exécution de ses composantes et la réalisation des bénéfices en fonction des résultats de ces composantes et des changements d’orientation ou de stratégie de l’organisation. C’est une description assez complexe, mais qui exprime clairement la distinction qui se doit d’être faite entre gestion de programme et gestion de projet.
Pour obtenir une comparaison un peu plus fine et comme il est toujours bon de s’appuyer sur un modèle d’analyse, prenons par exemple celui d’Harold Leavitt qui, en 1964, dans son article Aplied Organization Change in Industry, a introduit la célèbre phrase : People, Process and Technology. En réalité, il s’agit d’un modèle en quatre dimensions pour générer du changement dans une organisation : la structure, les tâches, les humains et la technologie. Avec le temps et de façon à permettre une application plus efficiente, les tâches et la structure ont été consolidées dans le terme processus. J’aime ces modèles qui ont été inventé il y a plusieurs décennies et qui, par leur simplicité, sont toujours d’actualité. Comme nous générons du changement avec les deux sujets de notre comparaison : projet et programme, voyons voir le modèle à l’œuvre.
Les humains
La focalisation du chef de programme se doit d’être bien différente de celle du chef de projet. Le premier garantit l’alignement, l’intégration et le contrôle des composantes via l’alignement stratégique du programme, la gestion des bénéfices, l’engagement des parties prenantes, la gouvernance et la gestion du cycle de vie du programme. Le second focalise plutôt son attention sur la réalisation des activités dans le but d’obtenir le résultat, le produit ou le service de son projet. Nous sommes donc ici en présence de deux niveaux différents d’intervention. Au premier niveau, le chef de programme qui se concentre sur la gestion des bénéfices et au deuxième niveau, le chef de projet qui lui, se concentre sur sa contribution à obtenir ces bénéfices. Si nous poussons à l’extrême la comparaison, nous pouvons dire que les deux rôles parlent deux langages différents, même si, nous en conviendrons, ils parviennent à se comprendre à bien des égards. Le parallèle à faire est le même qu’avec les langues latines qui permettent aux interlocuteurs de se comprendre à un certain niveau sans pour autant parler exactement la même langue.
Les processus
Les groupes de processus de gestion de projet sont bien connus par la communauté de pratique en gestion de projet et cette bonne connaissance fait en sorte qu’ils sont appliqués à plusieurs niveaux de gestion, y compris celui de la gestion de programme. Si nous voulons demeurer fidèle au cycle de vie du programme, nous devrions surtout parler de la gouvernance du programme, de sa définition et de son déploiement tout en portant une attention particulière à la consolidation et la pérennisation des bénéfices, sans ne jamais oublier sa clôture. Avez-vous déjà vu chère communauté, une structuration de programme implantée selon le modèle décrit ci-dessus contenant tous les livrables et les sous-livrables associés? Personnellement, je n’ai pas eu cette chance, mais si c’est votre cas, je vous invite à la partager avec nous, vous contribuerez ainsi grandement à l’évolution du domaine des connaissances dans la gestion des programmes.
Les technologies
J’avais une certaine appréhension à traiter ce point, car que le manque de structure et l’absence de rôles bien définis au sein de la gestion de programmes font en sorte que les technologies facilitant ce type de gestion ne sont pas au cœur des priorités des organisations. Le simple fait d’ajouter un niveau de façon à consolider quelques projets sous l’appellation programme et d’utiliser la technologie PPM (Project Portfolio Management), ne rend pas pour autant cette technologie adaptée à la gestion des programmes. C’est une piste à explorer possiblement dans un prochain article.
En conclusion, la différence majeure entre les programmes et les projets réside, tel que décrit par le PMI, dans son standard des programmes en lien avec cette comparaison, dans la reconnaissance, au sein des programmes, que les stratégies de réalisation des bénéfices doivent être adaptés au fur et à mesure que les composantes produisent des résultats. Par conséquent, essayons de focaliser notre attention là où il le faut, du côté projets sur la réalisation des activités et l’obtention des résultats et du côté programme, sur les bénéfices. Mentionnons au passage que cela ne devrait pas pour autant vous empêcher de faire la gestion des bénéfices dans vos projets respectifs!
Marian Matei
Conseiller Stratégique